Réparation des désordres : l'expertise judiciaire n'est pas requise en présence d'expertises amiables concordantes

Réparation des désordres : l'expertise judiciaire n'est pas requise en présence d'expertises amiables concordantes

Publié le : 12/03/2025 12 mars mars 03 2025

La question de la valeur probante des expertises privées dans le cadre des litiges en matière de construction suscite régulièrement des débats jurisprudentiels, et lorsqu’un différend éclate entre les parties à un marché de travaux, la preuve des désordres et de leur chiffrage joue un rôle central dans l’issue du contentieux.
Si les expertises judiciaires bénéficient d’une reconnaissance institutionnelle, la prise en compte d’expertises amiables, réalisées à l’initiative d’une seule des parties, soulève des interrogations quant au respect du principe du contradictoire et à leur force probante devant les juridictions.

Dans une décision récente, la Cour de cassation a apporté des précisions sur les conditions dans lesquelles de telles expertises peuvent être retenues par les juges du fond pour évaluer le montant d’un préjudice.


Dans les faits en question, une entreprise avait confié l’exécution de travaux à une autre société spécialisée dans le bardage et l’étanchéité.
À l’issue du chantier, un différend est apparu entre les parties, puisque l’entreprise en charge des travaux, estimant ne pas avoir été intégralement réglée, a engagé une action en justice afin d’obtenir le paiement du solde restant ainsi qu’une indemnisation.

En défense, le maître d’ouvrage a contesté la demande, invoquant l’existence de désordres affectant les travaux réalisés, et a sollicité, à titre reconventionnel, la réparation du préjudice en résultant.

La Cour d’appel, saisie du litige, a condamné la société spécialisée dans le bardage et l’étanchéité à verser la somme de 70 000 euros HT au maître d’ouvrage à titre de dommages-intérêts, montant auquel s’ajoute la TVA applicable au jour de l’exécution des travaux.
Pour fixer cette somme, les juges se sont fondés entre autres sur deux rapports d’expertise amiable établis à la demande du maître d’ouvrage, en plus d’un devis réalisé cinq années auparavant.

Pour le maître d’œuvre qui se pourvoit en cassation, la Cour d’appel a statué en violation du principe du contradictoire et des exigences de motivation, puisqu’elle s’est exclusivement appuyée sur des expertises privées réalisées à la demande d’une seule des parties, sans autres éléments corroborants.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et considère que la Cour d’appel a souverainement déduit, sans violer le principe du contradictoire, que les deux expertises privées corroboraient le chiffrage d’un devis établi cinq ans plus tôt, validant ainsi l’évaluation du coût des travaux de reprise à 70 000 euros HT.
La Haute juridiction rappelle que les juges du fond n’étaient pas tenus de procéder à une recherche qui ne leur était pas demandée et que leur motivation était suffisante.


Cette décision s’inscrit dans une logique de reconnaissance de la valeur probante d’expertises privées, dès lors qu’elles se recoupent et qu’un élément externe, en l’espèce un devis d’entreprise, vient les corroborer.
 
Le cabinet VILA AVOCATS intervient aussi bien en qualité de Conseil pré-contentieux, que dans le cadre d’un litige concernant les domaines du Droit de la construction, de la Copropriété, de l’immobilier et de l’urbanisme.


Référence de l’arrêt : Cass. civ 3ème du 16 janvier 2025, n°23-15.877
 

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