Clause d'exclusion de responsabilité de l'architecte : dernières précisions jurisprudentielles
Publié le :
28/02/2022
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Création prétorienne régulièrement inscrite dans les contrats types d’architectes, la clause d’obligation in solidum permet à cette catégorie de professionnel de limiter contractuellement leur responsabilité, concernant les dommages imputables à d’autres intervenants professionnels lors d’opérations de construction.
La Cour de cassation est récemment revenue sur les conditions de validité de la clause d’exclusion de responsabilité de l’architecte, rappelant qu’elle ne saurait faire obstacle à sa condamnation, en raison de fautes qui ont concouru à la réalisation de l’entier dommage.
Concernant les faits, un couple acquiert un appartement pour lequel ils confient la maîtrise d’œuvre liée à la rénovation du bien, à un architecte.
Relevant des malfaçons et des imprévisions ayant notamment entraîné un dépassement du budget, le couple assigne l’architecte et son assureur en indemnisation de son préjudice.
Le litige est porté devant la Cour d’appel qui, compte tenu d’une clause prévoyant que l’architecte ne pourrait pas être tenu responsable, ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par d’autres intervenants à l’opération, a fixé la réparation due par l’architecte à hauteur de 30% des préjudices, contre 70% mis à la charge de l’entreprise qui n’a pas exécuté un ouvrage conforme aux règles de l’art. Les juges du fond retiennent que la clause d’exclusion de solidarité n’est privée d’effet qu’en cas de faute lourde, l’architecte n’est tenu qu’à hauteur de la part contributive de sa faute dans la survenance des dommages.
Cette position est sanctionnée par la Cour de cassation au visa de l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance de 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dont il résulte que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
La Haute juridiction opère premièrement en un rappel : « chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l’entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu’il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l’étendue de leur obligation à l’égard de la victime du dommage ».
Pour constater ensuite que le contrat de maîtrise d’œuvre fait l’objet d’une clause particulière relative à l’exonération de responsabilité de l’architecte pour les fautes commises par d’autres intervenants à l’opération.
Avant de rendre la solution selon laquelle « Une telle clause ne limite pas la responsabilité de l’architecte, tenu de réparer les conséquences de sa propre faute, le cas échéant in solidum avec d’autres constructeurs. Elle ne saurait avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d’ouvrage contre l’architecte, quand sa faute a concouru à la réalisation de l’entier dommage ».
Par application à l’espèce, la Cour de cassation, ayant constaté que les dommages avaient été causés par la faute de l’architecte, lequel s’était abstenu de préparer un projet complet ayant pour but de définir avec précision les prestations des locateurs d’ouvrage, en plus d’exiger d’eux des plans d’exécution, elle relève qu’il était donc à l’origine de l’entier dommage, sanctionnant ainsi l’appréciation faite la Cour d’appel, de conditionner la non-application de la clause d’exclusion de solidarité à la seule existence d’une faute lourde.
La Haute juridiction rappelle ici que les clauses d’exclusion de responsabilité de l’architecte ne peuvent avoir pour effet de faire échec à la réparation dont il est redevable du fait de sa propre faute, sans distinction de la nature de la faute.
La précision apportée par le professionnel par la rédaction du contrat d’architecte quant à la distinction entre sa responsabilité et celle d’autres constructeurs n’est pas suffisante s’il manque à des obligations impératives propres à sa mission, et notamment eu égard de son devoir de conseil, à celle l’obligeant dès le stade de l’avant-projet, de réaliser une première estimation globale du coût des travaux afin d’éviter les dépassements de budget.
Référence de l’arrêt : Cass. civ 3ème 19 janvier 2022 n°20-15.376
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